Saviez-vous déjà que la Ocean Globe Race, course à laquelle l’équipage d’Artic Stern va participer, est une course qui n’autorise pas n’importe quel instrument de géolocalisation ?
En effet, les équipages n’ont pas le droit d’emporter un GPS pour se diriger en mer. Alors comment faire ?
A cette question, beaucoup répondrait intuitivement que l’observation du soleil ou des étoiles permettrait de s’y retrouver un minimum. Lorsque l’on sait où le soleil se lève, où il se couche et par où il passe pour aller dormir, nous avons déjà une petite idée de la direction à prendre. Mais il est évident que si nous nous en tenons à cette approximation, un équipage en pleine mer serait vite perdu. Il faut en effet savoir où nous nous trouvons avant de savoir vers où aller !
La navigation astronomique
Pour éviter de se retrouver dans la situation de notre capitaine ci-dessus et de naviguer jusqu’au pôle Nord, estimer notre position va s’avérer primordial ! Le GPS nous étant interdit, nous nous fierons alors aux instruments de navigation sans connections ni interfaces.
L’observation des astres comme moyen de navigation est, contrairement à ce que nous pourrions en penser, une science efficace et assez précise pour les initiés. De plus, elle ne fut pas inventée récemment pour pallier à d’éventuelles défaillances techniques mais fut la compagne indispensable de nombreux marins dans l’histoire de l’humanité avant l’avènement des technologies actuelles.
En effet, depuis que l’humanité est en âge de laisser des traces lui permettant de retracer son histoire, il semble que celle-ci se soit toujours posé la question de sa position et par extension, de sa place dans l’univers.
Bien avant de connaître la nature réelle des étoiles et des planètes observables donc, l’homme les utilisait déjà pour se diriger, se positionner, connaître l’heure ou encore, pour déterminer la circonférence du globe terrestre. Et avant de vous détailler effectivement la méthode et les instruments que nous utiliserons pour se diriger, nous tenions à vous présenter l’astrolabe, outil incroyablement ingénieux, qui tient une place de choix dans l’histoire de la géolocalisation de l’humanité.
L’astrolabe, qu’est-ce que c’est ?
Figure 1 : Astrolabe stéréographique septentrional, vu de face. J.A. Linden, Heilbronn (Allemagne) © Musées royaux d’Art et d’Histoire
L’astrolabe est un instrument de calcul qui permet d’établir les relations existantes entre les étoiles et le temps. Il est notamment composé d'un disque sur lequel est projetée la position des astres tels que nous pouvons les observer dans le ciel. De la même manière que pour une carte classique, la voûte céleste est donc projetée sur un plan, un disque plat. Depuis son invention par Hipparque (astronome grec v. 150 av. J-C), l’astrolabe fut perfectionné et modifié en fonction de son utilité (plan équatorial, plan universel, sphérique, nautique) dont le plus courant est l’astrolabe planisphérique.
Figure 2 : faces de l’astrolabe
L’astrolabe nautique est bien entendu celui qui nous intéresse le plus. Il est une version simplifiée de l’astrolabe planisphérique et permet principalement la mesure des hauteurs d’astres. Avec un simple calcul et la mesure de la hauteur méridienne du soleil, on obtient directement la latitude de l’endroit de l’observation. Il a été mis au point par les portugais vers la fin du XV siècle.
Figure 3 : Astrolabe nautique considéré comme l'un des plus anciens encore existant aujourd'hui, date d'entre 1500 et 1520 environ. Cet instrument est fabriqué à base de bronze épais et lourd. Malgré le mouvement d'un navire dans une mer agitée et par gros temps, son poids le maintenait à la verticale lorsqu'il était suspendu à un tripode ou à l'aide d'un fil à plomb attaché à partir de l'axe. La graduation permettait de le stabiliser, et le bras mobile sur le disque était pointé vers le corps dont la hauteur devait être mesurée, avec la marque du degré zéro alignée sur l'horizon. Cet astrolabe est conservé dans les collections de la Maison-musée de Christophe Colomb, à Grande Canarie.
Vous commencez peut-être à le deviner, l’astrolabe nautique est l’ancêtre du sextant, en passant par le quartier de Davis. Le sextant est en effet l’instrument de mesure qui nous servira en mer… à faire le point !
Figure 4 : Le sextant
L’expression « faire le point » employée dans la vie courante pour faire un bilan, savoir où nous en sommes par rapport à une situation donnée, vient en effet de la navigation en mer. Le 'point', c'est la position du navire sur la carte. Et faire le point c'est, en se basant sur des éléments connus ou visibles, calculer cette position.
Alors finalement, si nous devions choisir entre le GPS ou la navigation astronomique, laquelle de ces deux méthodes devrions-nous mettre en avant ?
Sextant vs GPS ?
Voyons dans les grandes lignes ce qui différencie les deux techniques.
Dans le principe ? Pas grand-chose.
Même si le principe est quelque peu renversé, il s’agit dans les deux cas d’une triangulation permettant de déterminer sa position. Le récepteur GPS reçoit l’information de sa distance aux satellites ainsi que la position de chacun d’entre eux. Il lui faut donc être en contact avec au minimum trois satellites pour déterminer sa position (x, y, z).
Dans le cas de la navigation astronomique, il nous faudra aussi effectuer trois mesures et les mettre en relation pour faire le point. La différence notoire est que les astres ne nous communiquent pas leur position☺, mais ça, et comme nous l’avons dit plus haut, la curiosité de l’humanité sur son environnement nous a légué ce savoir, que nous devrons bien sûr utiliser.
Figure 5 : Illustration triangulation GPS Figure 6: illustration triangulation astres
(Notons qu’un quatrième satellite est nécessaire pour lever l’imprécision liée à la variable temps. Le récepteur doit synchroniser son horloge interne avec le temps des horloges atomiques transmises par les satellites, une erreur d'un millionième de seconde sur une onde se déplaçant à la vitesse de la lumière induit une erreur de 300 mètres sur la position.)
Au niveau de la précision ?
Une différence de quelques centaines de mètres en fonction de la qualité de la prise de mesure en défaveur de la navigation astronomique. La question est maintenant de savoir s’il est vraiment nécessaire de connaître sa position au mètre près quand nous nous situons au milieu de l’océan…
Et au niveau de la fiabilité ?
Et bien, nous pouvons dire qu’à notre échelle humaine, les astres au moins en terme de fiabilité, ne nous laisserons jamais tomber!
Savez-vous que ?
Il est possible de vous fabriquer un sextant en papier avec lequel vous pourrez déterminer votre position ?
Que déjà au X° siècle après JC, un célèbre savant persan calcula la circonférence de la terre à l’aide d’un astrolabe ?
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