Lorsque nous avons pris possession de Venus, notre voilier Baltic 51 de 1980, nous avons constaté la présence de petites bulles le long de sa coque et de son safran : de l’osmose.
Bien que superficiel, dès que nous avons sorti Venus de l’eau pour des travaux, nous nous sommes attaqués à cette tâche longue et souvent ingrate.
Novices dans le traitement anti-osmose et dans le travail de la fibre de verre en général, ces travaux nous ont donné du fil à retordre, mais se sont avérés très formateurs et intéressants ! Voici comment nous avons réalisé les travaux étape par étape.
1. L’Osmose
L'osmose sur un voilier est un phénomène complexe qui résulte de l'interaction entre l'eau et la résine de la coque, souvent en polyester ou époxy. Ce processus débute généralement lorsque la barrière protectrice de la coque, conçue pour être imperméable, présente des défauts, des fissures ou une usure due au temps, aux impacts ou à l'exposition prolongée aux éléments.
Lorsqu'il y a une défaillance de cette barrière, l'eau de mer peut s'infiltrer dans la résine, entraînant une accumulation d'humidité. À l'intérieur de la coque, l'eau réagit avec les composants chimiques de la résine, générant des acides acétiques. Ce phénomène entraîne la formation de bulles ou de cloques, visibles à la surface de la coque, qui peuvent déformer l'apparence du voilier et compromettre sa solidité.
2. Le Ponçage
Les coques de voilier sont en généralement recouvertes de couches d’Interprotect ( ou produit similaires d’autres marques) qui sont utilisées pour empêcher l’eau de mer de s’infiltrer dans la résine polyester ou époxy et de développer de l’osmose. Ce sont des couches imperméabilisantes. Cependant, de la même manière qu’elles empêchent l’eau de rentrer, elles empêchent également l’humidité de la coque de sortir, retardant ainsi son séchage.
Pour faire un traitement anti-osmose, il est donc crucial d'enlever les différentes couches d’Interprotect afin d’avoir la coque à nu, ou du moins avec le moins de couches possibles. Pour ce faire, plusieurs méthodes existent, comme le sand-blasting, le ponçage à la sableuse, le rabot ou la meuleuse.
En tant que débutants, nous avons perdu énormément de temps et d’énergie en voulant faire ce travail de ponçage à la sableuse. Nous pensions devoir enlever une seule couche de peinture sur notre coque de 56 m², et finalement, ce sont 7 couches que nous avons dû enlever. Autant dire qu’un bon coup de sand-blast nous aurait fait économiser beaucoup de travail !
Qu'il fasse beau ou qu'il pleuve, ponçage oblige!
Mais comment savoir si la fibre est encore bonne ?
La technique du tapotage consiste à donner des petits coups de marteau le long de la fibre pour repérer les zones qui sonnent creux. Personnellement, je n’ai pas encore maîtrisé cette technique, et il est facile de se tromper lorsque différentes densités de matériaux sont en jeu.
Il y a également la technique visuelle, qui consiste à repérer les bulles d’osmose et les zones où la fibre apparaît blanche. Ces zones blanches indiquent l'absence de résine : la fibre de verre est sèche. Cela peut être dû à un manque de résine lors de la fabrication ou à une décomposition en acide acétique causée par la présence d’eau.
Dans tous les cas, la meilleure approche est de retirer la fibre sèche pour la remplacer par de la nouvelle fibre que l’on va imbiber de résine. Mais chaque chose en son temps ! Pour retirer la fibre endommagée, nous avons utilisé une meuleuse, une ponceuse orbitale, un Dremmel avec des petits pads de 3 pouces, et beaucoup de patience !
En cas de doute, il vaut mieux enlever de la matière endommagée et la remplacer plutôt que de la laisser en place. Ainsi, nous avons enlevé toute une épaisseur sur l'ensemble du safran pour revenir à une base saine.
Petit point à considérer
Lorsqu’on ponce une surface à refibrer, il est important de créer une pente de 1/12. Par exemple, si l’on creuse 1 mm, la pente doit être de 12 mm de chaque bord, soit 24 mm au total. Cette pente permet à la fibre et à la résine d’adhérer au maximum, assurant ainsi une résistance optimale.
3. Le Séchage
Cette étape est cruciale. Si la coque n’est pas bien sèche avant de refaire les couches d’Interprotect, la problématique d’osmose ne sera pas complètement réglée. Il est impératif d’attendre que la coque soit bien sèche avant de repeindre dessus, et cela peut prendre beaucoup de temps.
Nous avons dû attendre deux hivers au Québec pour bien sécher la coque, car avant cela, nous pouvions encore voir des parties humides.
Il existe deux grandes catégories de séchage :
Séchage actif : utilisation de sources de chaleur pour accélérer le processus (bâches, chauffages, hangars chauffés).
Séchage passif : laisser le temps faire son travail.
4. Nivelage
Lorsque l’on se prépare à travailler avec de la fibre de verre, il est crucial de s’assurer que la base est aussi homogène, régulière et sèche que possible. Une surface homogène permet aux feuilles de fibre de travailler de manière uniforme et optimale.
Avant de travailler avec de la fibre nous avons donc nivelé chaque zone creusée à l’aide de résine epoxy avec de l’additif de West System 406 qui est de la poudre de silice avant de faire un ponçage final avec un gros grain (grain 80). Cette étape a deux objectifs :
Lissage final de la surface.
Création de rayures dans la résine pour améliorer l’adhérence des prochaines couches de résine et de fibre.
5. Fibre de Verre
Toute la matière enlevée est remplacée avec de la nouvelle fibre de verre bi-axiale et de la résine epoxy afin de redonner toute la solidité à notre coque.
Une fois la surface de travail lisse et rayée, c’est le moment d’appliquer le tissu de fibre de verre.
Il existe deux grandes techniques pour travailler la fibre : la technique sèche et la technique humide.
Technique humide : on commence par appliquer une fine couche de résine sur la surface. Pendant que cette couche est encore humide, on place le tissu de fibre de verre dessus, en le pressant bien pour enlever les bulles d’air et assurer un bon contact. Ensuite, on ajoute une nouvelle couche de résine sur le tissu pour le saturer complètement. Cette méthode garantit une imprégnation uniforme et une bonne adhésion.
Technique sèche : on pose le tissu de fibre de verre sur une surface propre et sèche sans appliquer de résine au préalable. La résine est ensuite ajoutée directement sur le tissu sec, en veillant à ce qu’elle pénètre bien pour une couverture complète. Cette méthode est plus rapide, mais nécessite une application minutieuse pour éviter les zones non saturées et les bulles d’air.
Il existe aussi une technique mixte, où l’on applique d’abord une fine couche de résine sur la surface et on la laisse sécher jusqu’à ce qu’elle devienne collante au toucher. Ensuite, on place le tissu de fibre de verre sur cette surface collante et on continue comme avec la technique humide. Cela facilite le travail sur de grandes surfaces en surplomb, car le tissu reste en place pendant qu’on l’imprègne de résine.
6. Lissage Final (Fairing)
La dernière étape de la réparation de la coque est le lissage final. Cette étape permet de lui redonner sa forme d’origine et d’assurer un excellent hydrodynamisme. Pour cette étape, on utilise de la résine mélangée avec de la poudre de faible densité (West System 407).
Cela permet de gélifier la résine pour la rendre plus malléable et facile à travailler tout en la rendant moins compacte et dure une fois sèche. Cela facilite le ponçage final et assure une finition homogène.
7. Joint de Quille et Passe-Coque Blakes
Notre coque est en fibre de verre tandis que notre quille est en plomb. Celle-ci est solidaire à la coque grâce à dix boulons de quille. Cependant, la différence de matériaux plomb-fibre fait qu’il est fréquent d’avoir une petite fissure le long du joint de quille. Rien de préoccupant, mais tant qu’à être au sec, on en profite pour refaire ce joint !
L’objectif était d’enlever toute la fibre qui se décapait facilement pour repartir sur une bonne base.
Les étapes ont été les suivantes :
Remettre du mastic polyuréthane-silicone (LifeSeal) là où le joint avait séché et craquelé.
Faire une première couche de G-Flex 655 de West System. Cette résine époxy épaissie a la particularité d’avoir une bonne absorption aux chocs, aux déformations et au stress, ce qui est idéal pour cette partie qui fait la jonction entre deux matériaux différents aux propriétés propres.
Appliquer une couche de finition à l’époxy avec l’additif 407 de basse densité de West System.
On en a également profité pour remplacer un de nos passe-coques Blakes qui montrait des signes de faiblesse, comme expliqué dans cet article. Ces passe-coques sont stratifiés dans la coque, ce qui nous a amenés à faire des travaux de fibre à l'intérieur de Venus.
8. Interprotect
Une fois que la coque est lisse et uniforme, il est grand temps de passer aux couches imperméabilisantes et protectrices : l’Interprotect.
Cette peinture époxy est disponible en différentes couleurs, ce qui permet, lors de l’application de plusieurs couches, d’alterner les couleurs afin de bien voir les parties qui ont été recouvertes ou non. Le manuel d’Interprotect décrit parfaitement les différentes manières de l’appliquer, les temps de séchage ainsi que le nombre de couches à appliquer.
De notre côté, nous avons opté pour 5 couches d’Interprotect afin de bien protéger notre coque.
9. Antifouling
Au fil du temps, les coques de bateau peuvent devenir des habitats pour une variété d’organismes, tels que les algues, les coquillages, et même les crustacés. Cette accumulation non seulement altère l'esthétique du bateau, mais elle peut également avoir des conséquences néfastes sur sa performance et sa sécurité.
Lorsque des organismes marins s'installent sur la coque, ils augmentent la traînée, ce qui peut diminuer la vitesse du voilier et augmenter la consommation de carburant. De plus, leur présence peut entraîner des dommages structurels, car certains coquillages peuvent s'accrocher et provoquer des fissures dans la résine (et augmenter le risque d’osmose!).
En conséquence, il est essentiel d'appliquer une peinture antifouling pour minimiser ces risques.
Types de Peintures Antifouling
Il existe plusieurs types de peintures antifouling, chacune ayant ses propres caractéristiques et avantages. Les principales catégories incluent :
Peintures à base de biocides : Ces peintures contiennent des substances chimiques qui empêchent la croissance des organismes marins. Elles peuvent être efficaces, mais il est important de choisir des formulations respectueuses de l'environnement, car certains biocides peuvent être nocifs pour la faune marine.
Peintures à base de silicone : Ces produits offrent une surface lisse qui réduit l'adhérence des organismes. Elles sont particulièrement efficaces pour les voiliers, car elles permettent un bon glissement dans l'eau, tout en nécessitant moins de maintenance que les peintures à base de biocides.
Peintures à base de cuivre : Traditionnellement, le cuivre est un agent antifouling très efficace. Cependant, son utilisation soulève des préoccupations environnementales, car il peut s'accumuler dans les écosystèmes aquatiques. De nombreuses marinas imposent des restrictions sur l'utilisation de peintures contenant du cuivre.
Et une fois ces dernières couches, le traitement antiosmose est finalisé!
De notre côté ce traitement a bien pris deux ans, mais s'il permet de redonner à la coque de Venus toute sa fiabilité et sa jeunesse, c'était definitivement un bon choix!
À toi de jouer!
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