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Photo du rédacteurArcticstern

Confinement au paradis

Dernière mise à jour : 26 août 2021

C’est Dimanche et il pleut.


Dehors la pluie résonne dans les rues vides de Papeete. Régulièrement une ambulance passe telle une course contre la montre tout en faisant sonner son alarme sinistre. Dehors rien ne bouge, à part les feuilles des cocotiers qui se font dandiner dans tous les sens par le vent. Dehors, c’est la tempête. Est-ce la raison des rues désertes? Peut-être en temps normal, mais la normalité n’existe plus en ces temps-ci.


Le COVID fait ses ravages dans le paradis polynésien. Plus de 2200 nouveau cas positifs dans la seule journée. C’est beaucoup trop. Mais la raison de ce silence mortel est le confinement. Jusqu’au 6 Septembre. La Perle du Pacifique est à l’arrêt pendant les 14 prochains jours. C’était à prévoir, peut-être aurions-nous dû partir avant que les portes ne se ferment, vers une île, vers un mouillage où il est possible de nager, de pêcher, au contact de la nature. Mais non, au lieu de ça nous voici à la Marina, parqués avec les autres voiliers, bien rangés, avec les frais de port qui eux ne prennent pas de pause.


La cause? Des réparations. Encore? Sans cesse. Moteur, annexe, alternateur… Il est difficile de se projeter, de faire des plans, de suivre ses objectifs. Ce qui devait être Vendredi dernier ne sera peut-être que Jeudi prochain. Peut-être. Peut-être pas. Alors il faut attendre, il faut faire ce que l’on peut. De notre mieux. Et on change de chapeau : un jour mécanicien, un jour électricien, un jour peintre, un jour, un jour, un jour…


Vu comme ça, un voilier est une belle métaphore de la vie : profite du jour le jour car on ne sait jamais ce que te réserve le lendemain. C’est connu et reconnu. Certains le disent clairement « Un jour, une emmerde », d’autres « Chaque jour je me demande la prochaine chose qui va péter ». Profiter de chaque jour, de chaque instant. Car rien n’est éternel, c’est une maintenance constante qu’il faut faire. Une bôme est vite cassée, un alternateur est vite brisé, une voile déchirée, ou pire encore une blessure vite arrivée.


Nous voici donc en quarantaine. La pluie s’écrase contre le pont de Venus. Les nuages noirs dehors ne présagent rien de bon. Les rafales à 30 nœuds qui font pencher les 16 tonnes de Venus non plus. Est-ce la fin du monde? Du monde d’avant? D’avant quoi?


En quarantaine le temps s’arrête. Interdiction de se promener, les magasins de réparations sont fermés, les professionnels confinés. Le temps s’arrête. À bord? Ça bourdonne, dans tous les sens, telle une fourmilière sur laquelle tombe la pluie. Il faut faire ci, il faut faire ça. Réparations, préparations, communications, marketing, publicités, relations publiques, financements, subventions, sponsors, la course contre la montre. Un compte à rebours qui continue à fonctionner, avec son tic-tac retentissant, même lorsque le temps s’arrête.


Mais il faut s’avoir s’arrêter, prendre du recul. Respirer. Reprendre son souffle. Être capables d’ouvrir les yeux afin d’apprécier ce qui nous entoure, de prendre le temps. L’ironie du sort est que le confinement nous fait rentrer dans cet état d’esprit. Vous conviendrez que c’est ironique que du coup une fois que tu es ouvert sur l’extérieur, l’extérieur soit fermé à toi.


Comment faire? Nous sommes des marathoniens accomplis. La journée se lève, réveil, petit déjeuner, communications, réparations, courses, réparations, déjeuner, demande de financement, réparations, la nuit tombe, douche, souper et à 20 heure du soir ton corps de marathonien n’en peut plus de cette journée à courir. Et puis le lendemain ça recommence. Et au fur et à mesure que le temps passe les réparations se voient remplacées par la recherche de financement, la recherche de collaborateurs afin de faire grandir le projet. Courir. C’est ce que nous faisons sans cesse.


Tahiti? Papeete? Oui, on connaît bien! Je pourrais même me proposer comme guide touristique! Vous êtes prêts? Alors suivez-moi! Mesdames et Messieurs, à votre gauche vous avez Ocean 2000 où ils ont de très bons joints à découper pour une réparation de fuite de moteur, plus loin vous avez Nautisport qui ont tout ce qu’il faut en peinture de pont, bômes et mats, malheureusement Sailtech n’existe plus et Gas Tahiti ne remplit pas de bombonnes chiliennes. Mais on continue la visite! ACE Marine peuvent vous commander un alternateur à 1300 euros et un mois d’attente, ACE Construction ont ce qu’il faut pour la plomberie, ACE tout court ont une belle gamme d’outils et de papiers sablés! Des questions jusqu’à présent? Qu’est-ce qu’il y a à voir d’autre à part des magasins de réparation et de rénovations? Bonne question, nous n’avons pas encore eu le temps de nous renseigner! Pas l’temps ».


Et puis la fin de semaine de confinement arrive? Courrons encore plus vite afin d’avoir tout le nécessaire pour continuer à courir même une fois la barrière vers l’extérieur fermée! Courons ensemble, courrons plus vite, mais courrons encore!


Et puis, l’annonce, à peine 4 heures avant le début du confinement prévu pour deux jours : mesdamesetmessieursleconfinementvadurerdeuxsemaines.


Oups. Coincés. On se l’attendait pas celle-là! D’ailleurs au bout de quelques temps une nouvelle annonce allait être faite : interdiction de naviguer jusqu’au 8 septembre. Oups!


Est-ce le temps de prendre le temps? Un peu peut-être, même si le compte à rebours continue de tourner.


TIC-TAC

Tic-Tac

tic-tac


Et puis, comme dans le but de nous obliger au repos, de prendre un peu le temps, une nouvelle vient bouleverser notre quotidien :

Positif.


Toute ma vie j’ai voulu être positif, et j’ai suivi cette consigne à la lettre, alors que cette fois-ci j’aurais bien pu m’en passer.


Vousêtespositifaucovidmonsieur, ilvafalloirquevouspreniezdureposetquevousvousisoliez.


En plus aujourd’hui il pleut. Et c’est Dimanche. Mais on essaye de garder le sourire, car toute aventure le mérite.

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